Le Trou du Renard à Sainte Engrâce

La Galerie des Dunes, le collecteur Saint Vincent

Souvenez-vous, en 2007, nous avions organisé une expédition plongée dans la Galerie des Lacs d’Arphidia, plus précisément dans le réseau d’Arphidia IV. L’objectif de ces plongées était de lever quelques points d’interrogations sur le fonctionnement des lacs. Nous pensions qu’ils étaient alimentés par le dessous, et espérions trouver un passage par un réseau noyé qui se dirigerait en direction du Trou du Renard ou du Trou Souffleur d’Ehujare. Malheureusement, aucun passage n’a été trouvé, arrêt sur étroiture impénétrable par des coulées stalagmitiques. Nous savons que les Lacs d’Arphidia IV varient de niveau rapidement en fonction des crues, qu’ils ont une profondeur d’environ – 7 mètres et une longueur d’environ 150 mètres. Mais nous ne savons toujours pas comment cet énorme réservoir suspendu est alimenté.

Cette expédition plongée fond de trou a été une belle aventure par son nombre de participants. A nous tous, nous avons tout de même passé 1200 heures sous terre !

  • Le Trou du Renard :

En alternance avec les expés de la Galerie des Lacs d’Arphidia, nous avions repris en 2007 l’exploration du Trou du Renard, au niveau du Réseau Saint Vincent. L’extrême amont du collecteur Saint Vincent, le bassin siphonnant de –106, est très bien placé par rapport à Arphidia, au BT 6 et à Arrigoyéna.

Grâce à une ouverture météo, nous avons réussi à descendre dans le collecteur Saint Vincent, jusqu’à la Galerie semi-active. Mais avant de poursuivre les rééquipements, plusieurs aménagements s’imposaient, notamment le P 30 et ses étroitures à –50. La désobstruction ne sera pas facile, de par les contraintes météo, le manque de courant d’air, l’étroitesse du puits, la roche en place, mais surtout de par le siphon temporaire qui se met parfois en charge via une perte. Les passages les plus délicats seront agrandis, mais le tout reste encore étroit.


Il ne faut pas oublier que le Trou du Renard est le trou que je qualifierais comme l’un des plus dangereux du massif par ses mises en charges importantes : on sait qu’il se produit régulièrement des remontées d’eau de plus de 50 mètres, et que cette cavité est émissive lors des crues exceptionnelles !

En février 2008, le GSO a organisé une plongée dans le réseau Ravier. Celle-ci démontrera que le siphon amont du réseau Ravier se dirige bien vers le siphon aval du collecteur Saint Vincent. Seule la plongée de ce siphon prouvera humainement la jonction entre le réseau Ravier et le réseau Saint Vincent (F.Vasseur avec le soutien des Crapouillaux).

  • Exploration de Mars 2008 :

En mars 2008, après un mois de températures négatives, sans neige et sans redoux, Olivier Lacroix, Régis Lejeune et Antoine Cabotiau profitent de cette ouverture météo pour s’engager dans la Galerie semi-active pour poursuivre l’équipement et faire une reconnaissance du bassin siphonnant de –106.

Depuis 20 ans, personne ne s’était engagé dans la Galerie semi-active. Nous découvrons au fur et à mesure de notre progression les traces de mise en charge, les équipements arrachées par les crues…

Nous retrouvons des maillons et plaquettes du GSHP des années 1986 pratiquement laminés par les montées des eaux régulières. Nous équipons explo car il faut faire vite : même si la météo est clémente, le niveau d’eau n’est pas au plus bas. Arrivés à la base du Puits des Brindilles, Régis va faire un tour dans une galerie sur la gauche et trouve un passage bien marqué. Il progresse d’environ 50 m, avec un arrêt sur rien. Nous regardons la topo, cette galerie n’est pas indiquée. Les anciens auraient loupé ça ? Nous décidons d’y jeter un œil au retour, priorité pour l’instant au bassin siphonnant de –106.

Nous l’atteignons assez rapidement, mais malheureusement, il nous manque une corde pour y descendre. Le bassin siphonnant est énorme, et on a l’impression de sentir un peu de vent. Cependant, il faut se méfier du courant d’air proche des siphons…

Nous rebroussons donc chemin pour aller voir cette fameuse galerie en bas du puits des Brindilles. Notre progression est sans difficulté. Nous découvrons de belles galeries en régime noyé avec d’énormes bancs de sable. Nous apercevons des puits remontants de belles dimensions. Au bout de 150 m de progression, nous arrivons sur un ressaut d’environ 7 m, très déchiqueté. A sa base, nous trouvons plusieurs morceaux de bois coincés en force dans les cannelures du puits. Certains morceaux mesurent presque un mètre de long et sont polis par l’eau. Impressionnant !


Le bois...

Nous continuons notre progression et il faut à nouveau se mettre à l’eau. Et là, pour terminer notre découverte, nous progressons dans une magnifique conduite forcée de 3 m x 4 m, longue d’une dizaine de mètres, qui bute sur un siphon. On n’en revient pas ! Vu la taille de la galerie et du siphon, on se demande dans quoi nous sommes tombés. Harrigoyéna ? , le BT 6 ? Nous sommes fous de joie !

Nous faisons demi-tour, et remontons à la surface avec un morceau de bois.

Nous baptiserons cette nouvelle galerie, la Galerie des Dunes.

La semaine suivante, le redoux arrive. Le siphon temporaire se met en charge. Il faudra attendre un an avant de pouvoir retourner faire la topo.

La galerie des Dunes : les conduites forcées.

  • Exploration d’Aout 2009 :

En août 2009, les conditions météos sont bonnes, Olivier Lacroix et David Marque saisissent l’occasion pour faire la topo et quelques photos de la Galerie des Dunes. Nous craignons le pire au niveau des équipements en place. Les crues de fonte des neiges et de printemps ont certainement dû faire des dégâts.

Arrivés à la galerie semi-active, nos intuitions étaient bonnes. Les cordes sont dans tous les sens, certaines abimées, mais par contre le niveau d’eau est plus bas qu’en mars 2008. Nous remarquons des mises en charge de plus de 50 m. Nous topographions la Galerie des Dunes et prenons quelques photos.


Le siphon de la galerie des Dunes

Durant les mois de septembre et octobre, nous avons tenté de continuer l’exploration, mais à chaque fois la météo était vraiment incertaine. Vu la configuration de la cavité, et en particulier de la Galerie des Dunes, nous avons toujours préféré annuler nos explos. Trop dangereux.

  • Exploration Janvier 2010 :

Une vague de froid s’est installée sur Ste Engrâce. La météo annonce pour le week-end du 09 janvier des températures encore très basses. Ce sont les bonnes conditions pour aller faire un tour au Renard, ou du moins, pour tenter d’atteindre le collecteur.

L’accès au trou est rendu presque impossible par les arbres en travers du chemin, et par la neige. Ça caille !

Notre objectif, commencer les escalades de la Galerie des Dunes.

En bas du P 30, nous entendons le collecteur. Au bruit, il doit y avoir du jus. Nous atteignons le début de la galerie semi active, nous enfilons les néoprènes.

Le premier bassin est bien rempli, beaucoup plus que lors des deux raids de mars 2008 et août 2009. Idem pour le gros bassin. Nous sommes de plus en plus pessimistes... La voûte mouillante est à son maximum, les cordes en vrac. A mi-parcours, un passage bas, contre parois et coulée stalagmitique, siphonne. Du moins, il ne reste plus que 2 à 3 cm pour passer…

C’est terminé pour aujourd’hui.

Il faudra attendre, prendre patience, pour retourner dans la Galerie des Dunes.

  • Conclusion et réflexions :

Le Trou du Renard est un regard sur le collecteur St Vincent. C’est une ouverture visuelle sur cet énorme drain souterrain, mais extrêmement dangereux par ses mises en charge. Les rivières de la PSM, du Lonné Peyret, du BT 6, d’Arphidia, d’Harrigoyéna, et bien d’autres encore passent par Le Renard.

Toutes ces rivières souterraines forment le collecteur Saint Vincent qui résurge à Bentia.

L’hypothèse du « Ralentisseur » est toujours d’actualité. Nous avons tenté de l’atteindre par Arphidia, ce fut un échec, du moins, par Arphidia IV, pour l’instant.

Il devrait se situer entre l’extrême amont du Trou du Renard et l’extrême aval des rivières qui forment le collecteur St Vincent. La découverte de la Galerie des Dunes, avec un actif important, nous amène à réfléchir…

Nos objectifs d’exploration au Trou du Renard s’orientaient sur le terminus amont, le bassin siphonnant de – 106, très proche du BT 6, en direction d’Arphidia, d’Harrigoyéna et du supposé Ralentisseur. Ce gros bassin perché serait peut-être un passage vers celui-ci, en sachant que le collecteur St Vincent est plus bas, en profondeur. Nous n’avons pas pu réexplorer cette zone.

Le réseau St Vincent, au Trou du Renard, se divise pour moi en deux étages, voire trois. Un réseau semi-noyé et noyé (le collecteur Saint Vincent), un réseau que je nommerais semi-actif et semi –noyé, et peut-être un fossile. Nous avons la certitude que des mises en charge de + 50 m (voire plus) sont régulières. Celles-ci alimentent les galeries supérieures du réseau St Vincent, formant ainsi la Galerie semi- active et les siphons temporaires suspendus.

La découverte d’un actif conséquent provenant de la Galerie de Dunes, plus bas en profondeur que le réseau connu, amène à une « autre » réflexion sur les mises en charge du Renard. L’actif qui alimente la Galerie des Dunes, est considérable vu sa configuration en régime semi-noyé et noyé (les bancs de sables accumulés, les puits remontants creusés par les crues et les morceaux de bois coincés en force dans des cannelures à la base d’un P 8). Le collecteur St Vincent commence-t-il à se diviser par cette galerie ? Est-il l’actif principal des mises en charge du Trou du Renard ? Les morceaux de bois, d’où viennent-ils ?

Beaucoup de points d’interrogation à élucider, dans un réseau pratiquement inaccessible tout au long de l’année, par ses mises en charge et par sa dangerosité.

Nous avons des suppositions sur les morceaux de bois et sur le fonctionnement de la Galerie des Dunes. Dans le doute, nous n’évoquerons aucune hypothèse. Les explorations futures nous éclaireront, j’espère, sur le système…….

Olivier Lacroix

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